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Le 170e régiment d'infanterie
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27 novembre 2020

Croutoy (4)

Croutoy

         L'on peut situer à ce moment l'épisode suivant : le long des pentes boisées descendant vers l'Aisne, le sergent allemand Gester, sous-officier de liaison au P.C de son bataillon, profite de l'accalmie et griffonne une lettre à sa femme, lettre retrouvée après les combats par le petit-fils du Général de France :
                                                    

                                                    Ma chère Else,
     Depuis le 4 juin nous menons une grande offensive. Nous avons avancé d'une manière formidable. La journée d'hier et cette dernière nuit ont été terribles. Je remercie Dieu de m'avoir gardé en vie malgré que tous les jours je sois exposé en première ligne. Te rends-tu compte, 4 jours sans manger et dormir ?
     Ce matin enfin, nous avons pu nous mettre quelque chose sous la dent ; mais on ne peut avaler grand-chose quand on est trop fatigué. Maintenant, ça donne quand-même un peu de force. La traversée de l'Aisne, hier, a été terrible. Déjà avant d'être au bord du fleuve nous étions sévèrement tirés par les Français. Et la nuit passée, l'artillerie d'en face nous a causé de très grosses pertes.
     Je remercie Dieu de m'avoir donné un tel sang-froid ; sans quoi, que serais-je devenu, ventre vide, sans sommeil et voyant à côté de moi tomber les morts et les blessés. Mais j'ai fait tout mon devoir jusqu'au moment où je n'ai plus pu avancer.
    Il n'y a pas eu une heure d'interruption dans le roulement du feu. Voilà que ça recommence ; je peux cependant continuer d'écrire un peu. Notre artillerie prépare le terrain et cela nous laisse quelque répit. Mon commandant a été blessé hier, cinq minutes après l'attaque, et cela nous a donné un colossal élan. J'ai alors prié pour te revoir et je crois que Dieu nous aidera encore. La plus terrible nuit est maintenant passée ; mais nous voilà installés en position par le bataillon car les Français résistent, leur ligne n'est pas rompue.
     A l'instant, nous recevons un avis que les Stukas seront là d'ici ¾ d'heure. Au moment où je t'écris ces lignes, mes yeux se remplissent de larmes de joie en pensant à ces bons camarades de l'Air qui, hier déjà, par deux fois, nous ont sortis de la mouise. Ces braves camarades qui, dès qu'on les demande sont là !
    Je t'embrasse bien des fois de tout mon cœur et te prie de communiquer les nouvelles à mes parents.
                                                            Klein

         En effet, vers 11h30, les avions apparaissent dans le ciel de Croutoy ; ils décrivent un grand cercle, puis c'est la chute verticale, le lâcher des bombes, et la manœuvre pour laisser la place au suivant et revenir. La barricade nord est écrasée par un minen qui détruit le F.M. la défendant. Le sergent Richague est tué à son poste avec la plupart de ses hommes. Le soldat de Blic, engagé volontaire canadien, est assez gravement touché. Il vient se faire panser au P.S. et retourne à son poste. Malgré sa bravoure et celle de ses camarades, ils succombent tous sous le nombre. C'est par cette barricade que, vers 12h l'ennemi arrive.
         Les mitraillettes crachent, les F.M. ne se font pas faute de répondre. Au prix de lourdes pertes, l'ennemi arrive sur la place de l'Eglise. Les agents de transmissions ne peuvent plus sortir du P.C. et toutes les liaisons doivent se faire par radio. C'est alors le combat de rue dans toute son ampleur. Les adversaires sont à 20 mètres les uns des autres, se guettant au coin d'un mur, pat les brèches ou par les tuiles. Quelques grenades bien placées du haut d'un mur ont souvent fait du bon travail chez l'ennemi. Celui-ci progresse avec toutes les précautions, toutes les ruses. On ne peut s'empêcher de remarquer l'initiative que déploie chaque éclaireur, et l'ardeur des chefs dont on entend tous les commandements. Mais chaque ouverture, chaque brèche dans le mur de notre ferme cache un tireur attendant l'objectif dés son apparition. Malheureusement, vers 16h, l'ennemi prend pied dans le poste de secours. Il fait sortir les brancardiers de leur abri et les abat sauvagement, à bout portant, dés qu'ils sont dans la cour. L'entrée de celle-ci, visible par un créneau hâtivement percé dans un mur mitoyen, se trouve couverte par la vigilance de l'adjudant-chef Ménage. Un premier feldgrau s'avance et reçoit une balle en pleine tête. Un deuxième s'approche en rampant, mais subit le même sort. Les autres comprennent et renoncent à leur tentative mais, de rage, réussissent à jeter des grenades fumigènes et explosives dans l'abri.
         Pendant ce combat au poste de secours, le P.C. n'est pas resté inactif. En particulier le sous-lieutenant Millet a tenté une sortie avec une pièce du groupe de mitrailleuses de protection. Il s'est porté au sud du village dans les fossés d'une route. De là, il repère une arme dans le clocher du village ; quelques rafales de balles traceuses, et le clocher est muet. L'ennemi est dans les vergers, à l'ouest, et gagne un hangar ; quelques bandes encore et quelques voltigeurs iront s'installer au hangar, tenant solidement ce point d'appui que l'ennemi ne se hasardera pas de la journée à vouloir reprendre.
Sous-lieutenant Camille Pautet
                                                                                           ________
               

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