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Le 170e régiment d'infanterie
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Le 170e régiment d'infanterie
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3 mars 2015

* Un certain 3 septembre (I)

 

 

Si proche, mais également si lointain...

 

 Calot

 .

         Arrivé en France à l'âge de 12 ans, comme réfugié persécuté, chassé et rescapé de l'abominable génocide des Turcs envers les Arméniens, je me suis intégré avec cœur et volonté, avec ma mère et ma petite sœur à la vie française. Selon les conditions de l'époque pour obtenir la nationalité française, j'ai "bouclé" mon atelier de tailleur, et suis parti volontaire pour effectuer mon service militaire le 5 novembre 1938.

         Je suis affecté à Remiremont, dans les Vosges, au 170e régiment d'infanterie, surnommé depuis 14/18 "les Hirondelles de la mort de la 11e division de fer".

         Mon service militaire accompli sans un seul jour d'exemption, je fus libéré en août 1939. Lorsque soudain le 3 septembre, la France déclare la guerre à l'Allemagne nazie. Au lieu de reprendre mon aiguille, je fus dans l'obligation de garder le fusil.

         Grand remue-ménage dans la caserne, mais surtout dans la tête et le cœur des fantassins. Appelé au rapport le lieutenant G. m'annonce qu'il avait besoin de moi pour coudre un rabat de tissu afin de dissimuler les écussons d'officier avant de monter au front ! Soixante ans après je reste encore pantois et surpris d'une telle initiative.

         Après avoir travaillé toute la nuit, et une longue attente en gare je me suis préparé pour monter dans des wagons de marchandises : 40 hommes, 8 chevaux en long, sans aucune propreté, ni paille, ni confort… Qui nous emmenèrent près de Sarreguemines. Le dimanche avec des copains, nous nous sommes rendus à l'Eglise où le curé dans une prêche encourageante s'exprima ainsi ; "mes frères et sœurs, prions pour nos soldats qui vont monter au front, à savoir le sort qui les attend…" Nous partions en couverture de la ligne MAGINOT pour ensuite nous infiltrer en territoire allemand.

         Distribution de 32 cartouches pour chacun, avec un bidon de 2 litres de vin arrosé d'éther, les copains s'écrièrent ce coup là c'est parti, on y va droit. Ces quelques jours de belle vie passés, ordre de départ, 15 kilomètres de nuit pour ne pas éveiller ceux d'en face, tout proche, nous marchions sac au dos, fusil à la bretelle avec nos 32 cartouches et nos deux litres de vin trafiqué. Dans le ciel zébré de lueurs rougeâtres, de gros nuages obscurcissaient l'horizon. Au loin une locomotive crachait de grosses étincelles de feu, il me semblait marcher vers l'enfer, le cœur était lourd… que Berlin me semblait loin, très loin…

         Des soldats, la tête enfoncée dans les épaules, les mains au profond de leurs poches nous ouvrirent une barrière. Nous étions arrivés en couverture de la fameuse ligne Maginot. Je faisais partie de la garde au drapeau avec le lieutenant de ma compagnie. J'ai donc eu l'honneur d'être parmi les premiers à occuper un petit bout du territoire allemand en 1939. Avec des copains qui arrivaient de toute part, nous entrions dans de petits villages abandonnés sans rencontrer d'opposition immédiate si ce n'est une multitude de maudites mines. Un des nôtres, subitement devenu fou, fut maîtrisé et évacué.

         Abrutis, épuisés, assoiffés (le vin étant imbuvable), nous avons passé la nuit dans un bois pour récupérer avant de reprendre notre progression. Soudain l'un d'entre nous découvre un abreuvoir et s'apprête à se baisser pour boire, lorsqu'un cri "halte" me fit sursauter. Un fil dans l'abreuvoir était relié à un détonateur… Après avoir eu le privilège d'avoir été parmi les premiers à pénétrer en territoire allemand, il eut été dommage de mourir dans un abreuvoir.

Si Dieu le veut, je raconterai la suite et comment nous nous sommes installés dans ce que l'on a appelé "la drôle de guerre".

PAUL HARONIAN, membre de l'amicale du 170e, né le 09/10/1913 à Ankara; Président des Anciens Combattants et Résistants Français d'origine Arménienne

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