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Le 170e régiment d'infanterie
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4 mars 2015

* Un régiment dans l'armée d'armistice (2)

Monument-aux-morts-de-Constantine

Le pont d'Arcole, le premier qui se présente au voyageur venant de Setif, est un solide ouvrage de pierre, classique, reliant le quartier du Bardo aux frondaisons de la Pépinière : les adeptes de la gaule le connaissaient bien, qui venait taquiner le barbeau au lieu-dit "la rivière aux chiens", là ou le modeste Rhumel se voit grossi des eaux de l'oued Bou Merzoug. Vient ensuite, dominant l'entrée de la gorge-canon aux parois vertigineuses, le plus majestueux des ponts de Constantine, celui de Sidi Rached, "chef-d'œuvre de l'architecture française du début du siècle" (pour employer l'expression des guides). C'est sur sa plate-forme incurvée, longue de 450m et supportée par 27 arches que s'effectue la circulation intense entre le centre ville et les quartiers de la gare et de Sidi Mabrouk. 

           Mis à part le touriste qui parcourt les gorges, personne ou presque ne remarque, en contrebas de l'arche centrale du pont de Sidi Rached, un modeste passage rustique le pont du diable : tombé en désuétude, il s'est en quelque sorte fondu dans le paysage. A quelques 800m de là, un élégant ouvrage métallique enjambe l'abîme sur plus de 100 mètres : c'est la passerelle Perregaux, accessible aux seuls piétons à qui elle permettait de se rendre du centre ville à la gare. Encore un bond de 500 mètres et voici le pont d'El Kantara, qui fut longtemps le seul moyen de liaison entre la ville et les quartiers bâtis sur les pentes du Mansourah. Il avait bravé les siècles… jusqu'en 1857, date à laquelle il s'effondra… après le passage d'un bataillon de zouaves ! Reconstruit en 1861, il avait son entrée (côté ville) formée d'une arche double comportant des portes qui pouvaient être fermées en cas d'émeutes.

          Si, à la sortie du pont d'El Kantara, on longe le quartier israélite et ensuite l'énorme bâtisse du lycée d'Aumale (où nombre de fils de militaires – un certain Alphonse Juin entre autres – passèrent quelques années de leur studieuse jeunesse) on débouche du plus célèbre de tous les ponts de Constantine, la passerelle de Sidi M'cid, connue sous le nom de pont suspendu, lancée de 1909 à 1911 pour relier la vieille ville et le quartier de la Kasbah à l'hôpital civil, au quartier israélite et aux nouveaux lotissements du faubourg Lamy. Longue de 164 mètres, la passerelle (longtemps la plus haute du monde) paraît frêle et peu rassurante, perdue dans l'immensité du ciel, lorsqu'on la contemple depuis le fond du gouffre. Ceux qui s'y engagent peuvent évoluer au dessous d'eux, dans un piaillement incessant les pigeons sauvages et les martinets qui nichent dans la falaise ou les vautours au vol lourd qui arrivent de la vallée. Le tablier pouvant supporter jusqu'à 17 tonnes, le pont était praticable pour tous véhicules, mais les cavaliers le franchissaient au pas de leur monture, prêts à déchausser leurs étriers en cas de glissade de leur bête. Enfin, à l'aplomb du pont suspendu, 175 mètres plus bas, le pont des chutes enjambait l'éventail de cascades par lesquelles le Rhumel, sortant de ses gorges , dégringolait et courait s'étaler dans la plaine, où il allait prendre le nom pompeux d'oued El Kebir et, quelques kilomètres plus loin, fertiliser la verdoyante oasis d'Hamma-Plaisance, dont les cultures maraîchères alimentaient les marchés de la grande ville voisine.

          C'est ce site étonnant que nous allions quitter ; c'est à cette grandiose cité de Constantine que nous allions dire adieu, à cette ville prenante que nous avions aimée pour sa diversité, pour la fière beauté de son rocher, pour ses quartiers modernes où il faisait bon vivre, pour son merveilleux palais du Bey, devenu celui de la division, d'où partaient les ordres destinés à toutes les formations militaires de la province.

          Adieu à la Brèche, à toutes ces rues, places et squares dont les noms évoquaient plus de cent ans d'histoire : Damremont, Lamorocière, Barral, Caraman, Rohault de Fleury, Combes, Negrier, Nemours, Serigny, Valée et tant d'autres gloires militaires ; Les civils illustres n'étant pas négligés pour autant, tel le docteur Laveran, sauveur de tant de vies humaines, tels Pasteur, Lavigerie, Charles de Foucauld, Savorgnan de Brazza, Lamartine, l'inévitable Victor Hugo… Et, bien entendu les ténors de la IIIe République d Jules Ferry à Georges Clemenceau, en passant par Monsieur Thiers et Jean Jaurès.

          Adieu enfin à l'une des plus majestueuses parures de la cité, son plus haut monument, celui dédié aux morts de la grande guerre. Réplique de l'arc de triomphe de Trajan, il se drfessait, sobre en sa grandeur, sur une avancée du rocher de Sidi M'Cid. Il avait fallu pas moins de douze ans pour l'élever, il honorait tous les Constantinois morts au combat, mais plus spécialement ceux du 3e Zouaves, le régiment traditionnel de Constantine. A son sommet , tournée vers la France, une victoire ailée reproduisait, très agrandie, une statuette romaine en bronze, mise à jour lors des fouilles de la Kasbah : c'est cette victoire ailée que le général de Monsabert, en 1943, prendra pour emblème de la 3e D.I.A.

Le 29 juin 1940 au matin, le soleil se leva sur un immense bivouac fait de guitounes individuelles, dont les dernières avaient été montées dans la nuit. Les frondaisons du bois de la Légion d'honneur, dont le tracé épousait la forme de la Croix de l'ordre national, dispensaient, à défaut de fraîcheur, un peu d'ombre aux milliers de tirailleurs et aux centaines d'animaux qui stationnaient là. Les armistices avaient été signés le 22 juin à Rethondes et le 24 à Rome, mais nous ne savions rien des conditions imposées par les vainqueurs. Nous ne soupçonnions d'ailleurs pas l'ampleur du désastre qui avait frappé le pays. Une question surtout nous préoccupait : qu'allions-nous devenir ? Silencieux et résignés, mais ne nous estimant pas battus, nous attendions qu'on nous sortit du chaos et qu'on remit de l'ordre dans ce qui restait d'unités en Afrique du nord. Et nous pensions qu'il fallait faire vite, car déjà les premiers rescapés de la bataille de France regagnaient l'Algérie.          

           Mettre de l'ordre, c'était pour le 7e R.T.A. renvoyer sur leurs anciennes garnisons les 2e et 3e bataillons. Avant cette séparation, le colonel fit rendre les honneurs au drapeau. La 6e compagnie et la nouba allèrent chercher l’emblème, déposé à la salle d’honneur du 3e régiment de chasseurs d’Afrique, au quartier Gallifet. Elles l’escortèrent au centre du carré où les 3.000 hommes du régiment lui présentèrent leurs armes. Ce jour-là, notre drapeau symbolisait à nos yeux les malheurs de la patrie vaincue. A la tête du 2e bataillon, le commandant Goudry prit la route de l’est, en vue de rallier Guelma. Les tirailleurs retrouvaient sans surprise les étapes d’Ain Abib, Ain Regada, Oued Zenati et Ain Amara, qui marquaient traditionnellement les bivouacs, quand il fallait chaque année parcourir à pied le trajet Guelma-N’gaous, aller et retour.

          Et voilà qu’en cours de route, à l’étape d’Ain Abid, le 4 juillet, une surprenante nouvelle jeta la consternation dans les rangs du bataillon : la veille la marine anglaise avait, à Mers el Kebir attaqué et sérieusement malmené l’escadre française. Personne ne comprenait ce geste, Goudry moins que les autres, lui dont le réflexe avait été de proposer son bataillon au consul d’Angleterre à Sfax, après avoir eu connaissance de l’Appel du 18 juin. Le mois précédent le coup de poignard que les Italiens nous avaient asséné dans le dos avait attisé les haines contre ce peuple et son dictateur et accentué les regrets de ne pas leur avoir infligé une correction en Tripolitaine. Allait-il falloir maintenant maudire ces Anglais qui n’avaient pas hésité à infliger un malheur supplémentaire à la France, leur alliée de la veille ?

          Cinq jours plus tard, le bataillon faisait son entrée dans Guelma. En tête venait la clique rythmant le pas des 850 guerriers qui, faute d’un défilé de la victoire, devaient se contenter de franchir la porte de la caserne Hackett, pour y retrouver leurs casernements du temps de paix. Construits à l’intérieur d’une enceinte fortifiée, à l’abri de hautes murailles percées de meurtrières, ces casernements voisinaient avec ceux du bureau de recrutement et de l’hôpital mixte. A l’extrémité de l’enceinte, près de la porte de l’est , subsistaient les ruines de grandioses bains romains, rappelant qu’en ces lieux s’élevait autrefois, la ville de Calama. En ville, le théâtre antique et un jardin peuplé de statues, de stèles, de colonnes et de portiques témoignaient aussi de la splendeur de la Proconsulaire.

  Extrait du journal de l'amicale du 7ème R.T.A. 

 

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